Le Yoga est une image dont la plupart pensent qu’il sert à quelque chose, comme un chemin vers la santé, ou l’éveil ou la Libération. Quelle blague ! Qui a dit ça ? Pas moi en tous cas. Jamais de la vie ! La santé et l’éveil ne sont pas des récompenses mais notre état naturel avant que nous y portions atteinte. Celles et ceux avec qui je partage l’aventure ne pensent pas cela et ne se soumettent pas aux injonctions du matérialisme spirituel. Ils viennent, joyeusement, et célèbrent l’intimité de leur être par quelques postures, des respirations, des visualisations, des sons… Ils ne cherchent pas la guérison, ni même l’évolution et moins encore la Libération. Leur conscience s’élève parfois, et s’effondre d’autres fois. Ils sont forts parfois, et faibles d’autres fois.
La conscience est toujours présente, quoiqu’il arrive, dans le bonheur comme dans le malheur. En Yoga, tu essaies de ne pas l’oublier, de rester simplement avec cela. Et c’est tellement bon, tellement vivifiant. C’est une danse, une célébration de ce qui est. Et « ce qui est » frémit de joie sans jamais cesser.
Pourrait-on dire que le Yoga te conduit là où tu as toujours été sans jamais l’apercevoir ? Vers qui tu es sans jamais l’avoir su ? Peut-être est-ce déjà un peu moins faux, un peu moins perfide que toutes ces histoires de développement et d’épanouissement.
Oh ! Je ne parle pas de ces usines à postures qui fleurissent partout et tenues par des professeurs formés en quelques semaines. Il faut bien des perrons aux portes du palais. Qui sait toquer sait entrer.
Dans mon cœur, le Yoga n’existe pas, ni les profs, ni les élèves, ni quelque définitive méthode que ce soit.
Dans mon cœur, l’apprentissage est désapprentissage, la posture est le retrait de l’illusion du corps et du mental, la respiration est le vent cosmique qui me pénètre et m’emporte là, le mantra est le frémissement secret de mon être.
Dans mon cœur, aucun Samâdhi ne saurait s’obtenir car l’Univers entier est en Samâdhi, vibrant de ce qu’il est lui-même pendant que tu l’interroges en vain.
Tout Darshan est une imposture rendue nécessaire par l’ignorance dont on veut se défaire. L’Univers est son propre Darshan. Voilà pourquoi nous sommes non-violents. Nous n’avons pas le choix : impossible d’aller ailleurs, impossible de ne pas être le fournisseur et le destinataire en une seule opération.
Yama et Nyama sont pour les puérils mais restent indispensables pour qui veut se défaire de l’ignorance. Et puis, quand tu réalises que l’ignorance est le fait d’ignorer que l’ignorance n’existe pas, te voici désemparée mais tellement heureuse que le furoncle se soit vidé ! Le Yoga s’est rendu inutile par ta propre grâce. Qu’importe que tu te tortilles encore sur le tapis ou que tu t’abandonnes à l’Amant Cosmique ? Qu’importe que ta posture soit parfaite ou que tu te goinfres du nectar de l’être ?